MON ENFANCE

         Je suis venue au monde le 29 février 1912,  l'année de la tragédie du "Titanic". L'automne précédent, papa travaillait aux États-unis pour gagner un peu d'argent et c'est grand-père qui restait avec maman. Elle s'ennuyait beaucoup, elle pleurait souvent et ne mangeait pas beaucoup. Alors quand je suis née, j'étais très petite. Maman disait qu'elle avait de la difficulté avec moi jusque j'atteigne l'âge d'un an. A cinq ans, je faisais des orgelets et j'ai dû me faire percer les oreilles. C'est mon parrain, mon oncle Achille Bédard qui me les a percées. Je me rappelle bien. Il m'avait mise sur une petite chaise haute. Il m'a dit qu'il me récompenserait si je faisais une belle fille. A la fin de l'opération, j'ai reçu une poupée et du bonbon.

         Je n'étais pas agée mais je me rappelle aussi quand Henri-Louis s'est fait couper les doigts dans la faucheuse à foin. Papa avait arrêté les chevaux qui avaient pris le mors aux dents et étaient partis à l'épouvante. Henri Louis était tombé devant la faucheuse et roulait dans l'herbe devant les dents de la faucheuse. La faucheuse avait déchiqueté tous ses vêtements. Il y avait une de mes tantes qui se trouvait à la maison. Elle avait pris un drap de coton pour l'envelopper. Il était tout plein de sang.  Il avait perdu 3 doigts. Maman qui était enceinte de Lorraine, à la vue de tout ce  sang,  a accouché dehors.

         Le lendemain, papa a trouvé les doigts coupés et les a fait brûler. Henri Louis a bien souffert  quand ses doigts ont brûlé.

         J'ai commencé à aller au Couvent à 7 ans. Mon institutrice s'appelait soeur Blanche.  J’ai fait ma première communionn à 8 ans et ma confirmation à 12 ans. Papa et maman m’ont montré le bon chemin. On allait à la messe, et au vêpres et on faisait le premier vendredi du moi. Chaque soir, avant le souper, papa disait le chapelet. J’ai chanté dans la chorale à 16 ans. Celle qui nous montrait le chant se nommait soeur St Joseph.  Soeur Albertine Roy a été la première à me montrer l'heure. Ma soeur Elizabeth me surveillait pour que j'aille au couvent.  A 15 ans, j’ai été nommé présidente des enfants de Marie. Parfois mon oncle Josaphat, le frère de maman, venait chez nous. Il aimait bien me taquiner. Il me tirait les cheveux. Un jour, je ne suis fatigué de cela et j'ai coupé deux mèches de cheveux, deux boudins, et je les ai jetés dans le vase de nuit de maman. Quand maman  s'en est aperçue, elle m'a disputé et je lui ai répondu que c'était la faute de mon oncle Josaphat qui me tirait les boudins et disait que c'était des ressorts. Maman m'a fait récupérer mes boudins et je les ai gardés pendant plusieurs années.

         Au couvent, les religieuses nous attachaient les cheveux. Nous étions 8 dans la même classe. Je me rappelle que j'aimais bien jouer des tours à mes compagnes et même aux religieuses qui me faisait la classe.

         Un jour, j'avais mis la capine d'une religieuse et je me suis fait surprendre dans sa cellule. Une autre fois, à l'anniversaire d'une religieuse qui avait beaucoup de poils dans la figure, je lui avais préparé un cadeau avec une de mes amies. J'avais fourni rasoir, savonnette et mon amie  avait donné le savon. Nous avions mis ce paquet parmi les autres cadeaux. Quand elle a ouvert notre "cadeau", elle était bien fachée mais elle n'a pu savoir de qui il provenait. Une autre fois, j' inter-changeais les sacs de lavage des filles au pensionnat. J'avais grand plaisir de les voir chercher leur propre sac. J'ai été découverte. Alors Mère Saint Joseph du Sauveur m'a envoyée chez la mère supérieure. Je suis montée par un escalier et j'ai attendu à peu près un ou deux minutes et je suis redescendue par l'autre escalier. En arrivant dans la salle de  classe, mon pupitre  avait été déménagé sur le théâtre. C'est là que je suis restée jusqu'à la fin de l'année, soit trois mois et demi.

         Je me rappelle aussi d'un garçon qui s'appelait Bertrand Bégin et qui battait souvent Florence. Elle ne se défendait pas. Un jour  après l'école, alors qu'il avait battu encore une fois, Florence, j'ai pris la défense de ma soeur et je lui ai donné une bonne volée. Il n'a plus recommencé. Cependant son père est venu le soir suivant voir mon père. Il lui a dit que son fils, Bertrand était rentré à la maison en pleurant et affirmant que je l'avais battu. Ce monsieur Bégin était un grand homme, mince et sévère. Papa m'a appelée et m'a  demandé pour quelle raison j'avais battu ce jeune garçon. Je lui ai dit que ce dernier battait Florence et qu'elle ne se défendait pas ; c'est pour cela que je l'ai battu. Monsieur Bégin répond à papa que j'avais bien fait et qu'en rentrant à la maison, il le punira sévèrement.

 

         Un jour, une de mes compagnes qui était maigre comme un manche à balai voulait paraître grosse comme nous. Elle s'était mise des pelotons de catalogne à la place des seins. En compagnie de mes deux cousines, je les lui ai enlevés, je l'ai débourrée en face du  magasin général et le propriétaire du magasin nous a vues faire et il a bien ri.

         Une autre fois, alors que Monsieur Valemar Deveau s'en allait à la messe, je l'avais fait passer dans l'eau. Moi, je passais en marchant sur la cloture à carreaux de broches.

         Comme j'aimais imiter les religieuses, je faisais la classe chez ma tante..... dans les marches d'escalier. Il y avait Florence, Juliette, Germaine. Les religieuses avaient l'habitude porter de petits ciseaux attachés à la ceinture, nous disant que c'était pour nous couper la langue quand nous sommes malcommodes.  Je faisais comme elle ; je portais mes ciseaux attachés à la ceinture et une fois, sans faire trop exprès, j'ai coupé le bout de la langue de ma cousine... .Ma tante.... a été obligée d'achever de couper ce petit bout de langue qui ne tenait qu'a un fil. Depuis, elle a toujours parlé sur le bout de la langue.

         Je n'ai pas fait que des espiègleries (tours). J'ai aussi sauvé du feu, deux de mes cousines, deux jumelles. Elles étaient au salon dans leur carosse quand le feu a pris dans la maison. Je les ai sorties et amenées à la maison.

 

            JEANNE À 16 ANS

MERE MARIE BIENHEUREUSE